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Enquête publique pour un nouveau pont à Lacourt

Du 1er au 15 septembre, le Service des routes du Département d’Ariège soumettait à enquête publique son projet de nouveau pont à Lacourt. Cette procédure est obligatoire en vue d’exproprier 3 immeubles nécessitant d’être démolis pour la construction d’un nouveau pont. Sans cela, le Département aurait pu mener son projet en loucedé, comme nous l’alertions en début d’année.

Malgré les délais très courts, plus de cent personnes ont manifesté leur opposition au projet tel que présenté, contre une poignée de contributions favorables, pour l’essentiel des barons locaux du PS ariégeois (le sénateur J.J. Michau, les députés L. Bonnafoux et M. Frogier, le Conseiller départemental O. Raton, le maire d’Ustou A. Servat, promoteur acharné de la station de Guzet).

Il faut dire que le projet est particulièrement baroque: la construction d’un second pont parallèle au pont existant pour réaliser un rond-point géant en forme d’hippodrome. Un cas unique en France, selon toute vraisemblance. Et bien entendu, rien n’est prévu pour les cyclistes, alors que selon le plan vélo de la Communauté de communes, la route des tunnels toute proche constitue un axe structurant pour les itinéraires cyclables du Couserans.

Vous trouverez ci-dessous la contribution de l’association « ça tourne en bon ».

Reste à espérer que le commissaire enquêteur tienne compte des avis défavorables et propose également le rejet du projet tel que présenté. In fine, ce sera la préfecture qui statuera, mais des recours seront toujours possibles au tribunal administratif.

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Observations à la mise à l’enquête publique du projet de pont à Lacourt

Monsieur le commissaire enquêteur,

L’association « ça tourne en bon » a été créée en 2012 et a pour objectif la réduction des déchets et la promotion de pratiques écologiques dans le Haut-Salat. Elle compte à ce jour 120 membres. Son pôle vélo actif depuis 2016 développe des activités pour faciliter et encourager la pratique du vélo au quotidien. Les membres de ce pôle ont adressé au Département d’Ariège en mars 2021 un dossier présentant des « propositions d’aménagements de la route des tunnels en voie verte » qui n’a reçu à ce jour aucune réponse argumentée.

Notre association a été invitée en mai 2021 à participer au Conseil Consultatif d’Aménagements des Itinéraires Routiers (CCAGIR) instauré par le Conseil Départemental d’Ariège en janvier 2021. Le projet du pont de Lacourt n’a fait l’objet d’aucune consultation auprès de de ce Conseil. L’une des ses missions est pourtant de rendre des avis sur les projets du Département.

Nous tenons à vous faire part des observations, des remarques et des questions suivantes :

Sur la forme :

En conformité avec l’article R 122 du code de l’environnement, la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAE) a dû rendre un avis sur la nécessité ou non d’une étude d’impact pour ce projet routier (décision au cas par cas) . Pourquoi cet avis ne figure-t-il pas dans les documents de l’enquête public ?

– Nous nous questionnons sur la pertinence du CCAGIR s’il ne permet pas d’être consulté en amont à l’élaboration d’un projet, notamment au niveau de son cahier des charges.

Sur le fond :

  1. Nous n’avons pas d’objection de principe au besoin de réaménager le franchissement du Salat à Lacourt ; nous soutenons l’idée d’orienter le trafic motorisé ver la rive droite depuis Lacourt, en particuliers pour permettre un itinéraire cyclable par la rive gauche et pour apaiser la traversée du village de Lacourt.
  2. Le projet tel que présenté retient pour essentielle motivation la facilitation du trafic des poids lourds (PL), en particuliers ceux dont la longueur est supérieure à 10m (PL>10m). Pour autant, aucun chiffre n’est fourni qui justifierait ce besoin pour cette dernière catégorie. : combien de PL>10m sont-ils concernés par le besoin de franchir le Salat à Lacourt ?
  3. Si ce chiffre est faible, le projet présenté est caduque et il est possible de maintenir le pont existant en le consolidant simplement et en démolissant les immeubles déjà acquis par le Conseil départemental. Cela implique d’instaurer un feu en alternat qui serait activé lorsqu’on PL>10m se présenterait pour franchir le pont. Des systèmes automatiques doivent certainement exister. Une telle solution serait bien moins coûteuse pour le contribuable et il n’y aurait pas besoin de procéder à une expropriation exigée par le présent projet.
  4. Si ce chiffre est élevé, le principe d’un aménagement plus conséquent conserve sa pertinence, mais la solution retenue comprend de nombreux problèmes. Le principal est l’absence de prise en compte des cyclistes et la réalisations d’aménagements  à leur intention, comme l’exige pourtant l’article L-228-2 du code de l’environnement
  5. Le choix d’un système de giratoire incluant deux ponts nous semble particulièrement baroque. Existe-t-il un autre exemple en France qui pourrait servir de comparaison ? En effet, pour les cyclistes, les giratoires peuvent être particulièrement dangereux car ceux-ci peuvent se faire couper la route. Et le danger est d’autant plus grand que le giratoire est vaste, car ils se font plus facilement dépasser et donc risquer de se faire couper la route. Dans sa charte cyclable (édition 2024), la Fédération française de cyclo-tourisme indique que pour les grands giratoires (rayon extérieur supérieur à 22 m), la prise en compte du cheminement des cyclistes dans les grands giratoires est un impératif sécuritaire prioritaire.
  6. Ce système de giratoire aurait également comme conséquence que les cyclistes descendant sur la rive gauche depuis le Haut-Salat seraient obligés de franchir les deux ponts pour poursuivre sur la rive gauche où la circulation est moins importante. Une telle contrainte sera incompréhensible pour les cyclistes, en particuliers les cyclo-sportifs.
  7. La solution retenue ne prend pas en compte les orientations présentées dans le plan vélo adopté par le Conseil communautaire du Couserans-Pyrénées le 13 juin 2024. Ce plan place la route des tunnels comme axe structurant d’un réseau cyclable pour relier les vallées du Haut-Salat et de l’Arac à Saint-Girons. Pourquoi ne pas profiter du présent projet pour affecter cette route des tunnels selon les préconisations du plan vélo ? De plus, ce plan considère le renforcement de l’apaisement de la circulation comme une action prioritaire, notamment dans la traversée des villages. Ces deux aspects ne sont pas (ou insuffisamment) pris en considération.
  8. De façon générale, le principal frein à la pratique du vélo au quotidien dans les zones rurales, parmi elles les vallées du Couserans, est l’insécurité sur la route ressentie par les cyclistes, en particuliers les plus fragiles comme les enfants ou les personnes âgées. La présence de PL, a fortiori de PL>10m, est un facteur qui augment cette sensation de danger. La question de l’opportunité d’augmenter leur nombre sur des routes étroites, sinueuses, avec peu de visibilité et rendant donc délicat le dépassement de cyclistes, mérite selon nous d’être posée. Leur usage est-il pertinent ? Ne pourrait-il pas être limité ou remplacé par des PL de plus faible gabarit ? Pour le moins, si le nombre de PL devait malgré tout augmenter, la réalisation d’aménagements cyclables sécurisés entre Kercabanac et Lacourt s’avère indispensable.
  9. Nous nous étonnons que la solution d’un nouveau pont à double sens, parallèle au pont existant, n’ait pas été étudiée. Une telle solution permettrait de rendre piéton et cyclable le pont existant et ainsi assurer une liaison apaisée entre les des deux rives du village de Lacourt. Cela ne représenterait pas un coût forcément plus élevé, car les travaux de consolidation du pont existant seraient moins exigeants. Cela constituerait également une solution élégante pour prolonger la routes des tunnels réaffectée en voie verte vers la rive gauche où la circulation motorisée serait réduite.

En conclusion :

  • Nous demandons un comptage plus fin du trafic, en particuliers en ce qui concerne les PL>10m. Nous demandons également que soient intégrés les besoins des usagers des vélos dans le projet pour être en conformité avec le code de l’environnement.
  • Nous demandons que soit étudiée la solution d’un pont à double sens, parallèle au pont existant
  • Nous demandons que les dispositions du plan vélo soient prises en compte, en particuliers l’intégration de la route des tunnels comme axe structurant du réseau cyclable du Couserans
  • Nous demandons que l’apaisement de la traversée du village de Lacourt, rive gauche, soit intégré dans le projet
  • Nous demandons que les associations d’usagers du vélo et les habitants de Lacourt soient concertés pour l’élaboration du projet

Afin que les personnes impliquées dans l’élaboration de ce projet, qu’elles soient élues, responsables techniques ou ingénieures, puissent apprécier concrètement dans quelles conditions s’effectuent les déplacements à vélo, nous les invitons à venir parcourir ensemble, à bicyclette, les routes qui relient Kercabanac à Saint-Girons.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette contribution, nous vous adressons, Monsieur le commissaire enquêteur, nos respectueuses salutations.

Pour l’association « ça tourne en bon » :

Philippe Huguenin, référent du pôle vélo